No Link Lines!
Des
grandes crises sont nés les grands hommes et des périlleuses
situations les grands éclats que connaît l'histoire de notre nation;
souvent les grands éclats sont annoncés par ceux des armes à quoi
succèdent ceux d'une grande politique. Notre peuple est ainsi fait,
forgé, qu'il sait, faute parfois de savoir prévenir les crises, donner
à la situation un homme.
Si
je dis
"notre peuple" je pense plutôt à notre conscience
nationale, à ce qui sommeille chez nous et qui soudain se réveille au
jour des grands évènements; au son du tocsin et du tambour. Cette
conscience nationale a souvent éveillé, à des jours périlleux de
notre existence, des hommes, des hommes que la fierté et l'honneur
dressaient contre les assaillants de la patrie, des hommes que le
souffle impérieux et puissant de l'histoire avait avancés sur la scène
du monde. Des hommes que la croyance inconditionnelle de la grandeur de
notre pays ne faisait jamais fléchir, qui ne se levaient qu'aux grandes
crises et qui ne promettaient de rentrer l'épée sortie du fourreau
qu'une fois les lois restaurées et l'autorité affermie. Cette race
d'homme que l'on nomme héros, est une spécificité qui n'appartient
qu'à notre peuple.
Ces
hommes, que les origines n'appelaient pas à de grandes destinés, ce
sont vu confié, par la force des évènements, les plus hautes places
du pouvoir. Leurs vertus étaient celles que les évènements appelaient
et l'on peut donc dire que c'est cette concordance entre l'homme et les
évènements qui amène à son avènement. Sa fortune dépend donc des
évènements, mais ses qualités amène à son appel.
L'histoire
peut avancer, les siècles s'écouler, les grandes crises nationales
n'en restent pas moins perpétuelles. A moins d'immobiliser les hommes,
ses passions, ses sentiments, ses idéologies, l'homme à jamais gardera
sons sens de l'action et c'est naturellement que la volonté de combat
naît dans son cœur. Des combats naissent les guerres et les crises
civiles. Les partis et le caractère humain répètent ces évènements
car ces guerres sont elles-mêmes leurs fruits. Il n'en est pas moins
vrai que très souvent la volonté de paix reprend les hommes mais c'est
à nouveau pour être repris par l'action et l'homme à cela ne peut
lutter, il ne peut simplement que tenter d'endiguer ses sentiments
d'action. Hors c'est à l'homme providentiel que revient cette tache
pour en faire une force pour l'avenir.
Ces
hommes géniaux, dont la force et le courage ont eut raison du danger,
servent, par leurs vertus, le pouvoir qu'ils reçurent du peuple. Si les
grands hommes sont souvent impérieux, parfois autoritaires, ils savent
reconnaître dans le peuple la légitimité suprême de tout
gouvernement et de tout pouvoir. Ils reconnaissent en cette voix sacrée,
non le soutient des régimes mais le fondateur des gouvernements. Ces
hommes dédaignent les partis, leur grandeur dépasse bien tous les
clivages et en la fonction exécutive de l'Etat il ne voit non un valet
des partis mais un chef. Un chef qui n'aime la République que parce
qu'elle est populaire mais qui dédaigne les partis parce qu'ils sont
populistes. Ils ne voient de grandeur que dans la voix populaire et de
la vulgarité que dans les fonctions serviles des politiciens.
Quand
l'homme providentiel se lève, les perverses manigances cessent, et dans
un élan effréné les voilà portés par toute la nation, et dès lors
plus de partis, sinon celui de la France, tous deux restants inséparables.
L'un donnant à l'autre le souffle de l'avenir et l'autre lui donnant le
souffle de l'histoire. Ils ne font plus qu'un. Le drapeau et tous les
symboles chers au cœur des Français resteront à jamais imprégné de
cet homme qui leur aura redonné la valeur et l'éclat.
Malheureusement,
ces hommes doivent un jour s'éteindre, le talent et la grandeur doivent
s'agenouiller devant cette argile humaine qui ne reconnaît aucune
vertus, qui ne reconnaît l'age et qui vole au monde ses plus grandes
inspirations.
L'Etat
que l'on croyait inébranlable par ses neuves fondations soudain s'ébranle.
Quoi? Cet homme dont la grandeur se confondait à celle de la France
s'est donc éteint? Celui dont la force et la volonté était la
principale institution s'est donc écroulé, là pour ne plus se
relever?
Soudain
c'est une remise en cause de l'Etat qui est faite et vite l'on se rend
compte que celui que l'on croyait chef d'une nation n'était que son
serviteur et que l'Etat dont il était le fondateur et le vrai chef ne
se soutient plus sans les forts piliers de l'homme défunt. Tout comme
lui, son gouvernement était réellement unique, mais il ne servait que
la France car bien après lui elle seule reste debout. Peut être est-ce
une trop grande prétention de l'homme de croire que son nom peut
rivaliser avec celui du pays qu'il sert. On ne peut être le chef d'un
pays pour la bonne raison que le vrai pays est impalpable malgré sa résistance
aux siècles et aux invasions.
Il
n'en reste pas moins que, une fois mort, son nom s'envole de son siècle
pour rayonner dans ceux qui le suivront, son histoire devient une légende,
sa grandeur un mythe et d'humain le voici passé à immortel par la
reconnaissance de sa valeur par l'Histoire.
Une
fois le deuil consommé, l'Etat redevient l'Etat, le pays à nouveau se
divise, à nouveau les partis, à nouveau cette rigidité qui consume
les talents, à nouveau l'ornière lassante. La politique reprend alors
ce qu'elle pense légitime de reprendre, le pouvoir. Le peuple, lui,
sans force devant ce rapt odieux, peu à peu délaisse les lambeaux que
la politique se dispute et préférant, dans une grande mélancolie
nostalgique propre aux Français, se couvrir de ce vieux drapeau de
gloire dont le temps a fait des lambeaux et les factions, dans leurs
querelles, déjà ont oublié.
|